Ce n’est pas un scoop, aujourd’hui, c’est la sortie au cinéma du premier volet de la trilogie best-seller de l’écrivain britannique E. L. James, Cinquante nuances de Grey. La série enregistre un succès colossal, avec une traduction dans plus de 50 langues et des ventes à plus de 100 millions d’exemplaires dans le monde. Ce premier opus a été adapté par la réalisatrice Sam Taylor Johnson, déjà connue pour Il était une fois John.
Pour le petit pitch, grossièrement, l’héroïne, Anastasia Steele, est encore vierge et est initiée à l’art sexuel (au sadomasochisme, disons-le clairement) du richissime, du beau, du grand, du viril Christian Grey. C'est le commencement d'une relation "cuir et cravache" entre les deux protagonistes.
Ayant personnellement lu le roman il y a de cela plus d’un an, je me posais véritablement la question de la possibilité de cette adaptation en raison du caractère (soft peut-être, c’est discutable) érotique du livre. En effet, si en France la Commission de classification des films du CNC a pris le parti de statuer pour un film -12 ans, ce n’est pas le cas aux États-Unis avec une interdiction pour les moins de 17 ans non accompagnés, pour les moins de 18 ans au Royaume-Uni et au Brésil, pour ne citer que ces trois exemples. La raison ? Eh bien selon Jean-François Mary, le président de la Commission, il s’agirait je cite « d’une romance », limite « bleuette ». Pardonnez-moi l’affront s’il y a, mais dans la famille romance, je dois avouer qu’il ne me serait pas venu en tête de citer Fifty shades of Grey en chef de file. Si c’est ça la vision de l’amour que l’on souhaite transmettre à nos enfants de nos jours, soit ! Mais il ne faudra pas venir se plaindre des « jeunes décadents » par la suite, à bon entendeur ! D’autant qu’en matière de sexualité, comme le dit très bien la psychanalyste et sexologue Catherine Blanc, on sait que l’âge moyen de la première fois (entre 17 et 18 ans) n’a pas changé depuis trois générations, on est alors en droit de se poser la question de savoir si la tranche d’âge comprise entre 12 et 17 ans est concernée. Enfin au moins les ados de plus de 12 ans pourront emmener leur petite copine au cinéma pour la Saint-Valentin !
Et je ne parle pas non plus du contraste astronomique avec le discours ambiant sur le féminisme qui vient d’en prendre un sacré coup. Et si on inversait les rôles ? Femme dominante, homme dominé, ça vous dit ? Barbie (si si, je vous assure) l’a fait pour vous !
De gros doutes peuvent être émis donc, et pourtant c’est une sacrée aubaine côté marketing, qui a inspiré beaucoup de monde ! Du Christian Grey, on en a vu sous toutes les coutures : de la crème apaisante après fessée, aux expos photos SM, en passant par les campagnes de pub ! Toutes les scènes ont été passées au crible par les marketeurs. C’est par exemple l’enseigne britannique B&Q, spécialisée dans la vente d’articles de jardinage, bricolage et décoration, qui a préparé la sortie du film en demandant à ses magasins de s’approvisionner en cordes, attaches et rubans adhésifs, le personnel a dû se procurer le roman pour se familiariser avec l’histoire et pouvoir répondre aux demandes « particulières » des clients. Pour info dans le livre, Christian Grey se rend au magasin de bricolage dans lequel travaille Anastasia, pour acheter des accessoires destinés à la pratique de son "art". L’idée de la chaîne B&Q, c’est que la sortie du film pourrait être de facteur d'augmentation les ventes de ces produits et faire l'objet de nouvelles expériences de la part des clients... Mouais. Si un tel taux de conversion se confirme, appelez-moi !
Audi, partenaire de l’adaptation cinématographique, ajoute également son grain de sel avec une édition limitée, censée s’adresser à une clientèle féminine (on en pense ce qu’on veut après !).
De leur côté, les particuliers profitent notamment de cette veine, c'est en tous cas le cas du propriétaire de l'appartement où a été tourné une partie du film, dans la résidence The Escala à Seattle (résidence où vit Grey dans le roman), puisqu'il a tenté de le mettre en location pour 230 euros la nuit, histoire de se mettre dans la peau du héros, la « chambre rouge » n’a par ailleurs pas été oubliée… Oui j'ai bien dit "tenté", puisqu'il a dû être retiré de la plateforme de location, Airbnb déclare que le propriétaire recevait trop de demandes, mais une autre explication est avancée : le règlement du complexe interdirait la location de courte durée. Bref, pas très clair tout ça !
Bon et puis évidemment, on n’a pas échappé non plus à la célèbre bande-annonce revisitée par LEGO…
La romancière, pour sa part, a développé une large gamme de produits dérivés érotico-sadomasochistes dès la sortie des romans, dont la plupart sont cette semaine numéro 1 des ventes sur Amazon…
Quant à savoir si tous ces efforts marketing en valaient la chandelle, rendez-vous dans les salles obscures !
- Le Monde : http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2015/02/10/50-nuances-de-grey-fantasmer-est-une-chose-s-y-confronter-une-autre_4573776_4497916.html
- Le Monde : http://www.lemonde.fr/cinema/article/2015/02/11/cinquante-nuances-de-grey-le-sadomasochisme-sans-peine_4574042_3476.html
- Libération : http://next.liberation.fr/sexe/2015/02/10/50-nuances-de-grey-scenes-de-buzz_1199509
- Challenges : http://www.challenges.fr/cinema/20150210.CHA2945/quand-le-film-50-nuances-de-grey-dechaine-les-passions.html
- Le Point : http://www.lepoint.fr/insolite/l-appartement-de-fifty-shades-of-grey-exclu-de-airbnb-11-02-2015-1904126_48.php